Le Vicomte à la remorque

Pour que le TGV desserve la Vendée, l'Agité du Bocage a imaginé de le faire remorquer par une loco Diesel. C'est cher et lent, mais c'est gland.


C'EST un attelage qui aura presque aussi fière allure que celui formé par le distingué vicomte de Villiers et le rude populiste méridional Charlie Pasqua. La SNCF met actuellement la dernière main aux aménagements nécessaires pour faire tracter une rame du TGV Atlantique par une grosse locomotive Diesel. Ce n'est pas un gag, mais une lumineuse idée du Vicomte en personne. Et cela s'appellera « la desserte TGV de la Vendée ».

Depuis plusieurs années, les élus vendéens se désolent : depuis Paris, pour atteindre leur belle capitale de La Roche-sur-Yon, puis la station balnéaire des Sables-d'Olonne, on peut certes prendre le TGV. Mais il faut descendre à Nantes, et changer de train pour les 114 km restants, car la ligne Nantes - La Roche-sur-Yon n'est pas électrifiée. Pour les voyageurs c'est une désagréable contrainte que cette « rupture de charge », comme on dit en jargon cheminot. Mais, pour le premier des Vendéens, c'est bien pire : une humiliation. C'est pourquoi Philippe de Villiers a pris la tête des partisans d'une liaison directe. Lors de l'ouverture de la séance du conseil général de Vendée, le 26 novembre dernier, l'Agité du Bocage a rappelé les engagements du département pour la desserte TGV de la Vendée à compter de l'été 2000. « Notre financement couvrira non seulement l'investissement à 21,2 MF, a déclaré Villiers, mais également le déficit éventuel du fonctionnement jusqu'à 15 MF par an. » Tout cela en attendant l'électrification, toujours réclamée et éternellement remise à plus tard.

En attendant, la solution retenue a bien fait rire les techniciens et ingénieurs de la SNCF qui ont été obligés de s'y coller. « C'est tout simplement une bêtise », disent les syndicalistes CGT, cités par « Ouest France ». « Un non-sens, un bricolage ridicule », renchérit un des responsables de la direction MT; matériels et tractions de la SNCF, qui ajoute : « Mais puisque les collectivités locales paient... »

Si rien ne vient contrarier cette grandiose réalisation de haute technologie, des rames de TGV circuleront donc dans quelques mois, tractées par une grosse locomotive Diesel. Pour parvenir à ce résultat, il a fallu adapter trois locomotives, modèle CC 72000, parmi les plus puissantes dont dispose la SNCF, pour tirer les 485 tonnes d'une rame, et pour que ces machines alimentent le convoi en électricité. La modification de huit TGV est en cours, pour permettre de les accrocher aux locos, et de brancher les circuits électriques de freinage, etc...

Détail amusant, il faudra bien sûr un conducteur dans la loco, mais aussi dans la cabine du TGV, pour assurer la sécurité de la rame. Il faudra également modifier les quais de La Roche-sur-Yon et des Sables d'Olonne.

Quelques grincheux ont bien fait observer que la liaison Paris-La Roche-sur-Yon n'accueille, chaque année, que 65 000 passagers. Le déficit d'exploitation prévu étant de 15 millions, cela fait tout de même 230 F par passager, pour une centaine de kilomètres. Au diable ces calculs sordides !

Une revue interne de la SNCF fait observer, non sans mesquinerie, que « le temps de parcours ne devrait pas s'améliorer. Il devrait même être moins bon... »

Parce qu'en plus ils voudraient gagner du temps ? Les agents à la solde du mondialisme sont infiltrés partout !

L-M. H Le Canard Enchainé du 02-02-00