Libération invente le tramway à turbine....

Un tramway pas cher pour les petites villes

Le tramway du futur ressemblera à une voiture et coûtera deux fois moins cher qu'aujourd'hui. Pour Jean-Noël Debroise, directeur de la ligne de produits tramways d'Alstom, « les usagers que les municipalités veulent attirer vers les tramways sont justement les automobilistes ». Quant à la réduction du coût de ces engins, elle est indispensable « Car, avec les systèmes actuels, à 120 millions du kilomètre, on ne touche que les villes de 500 000 habitants et plus, ce qui limite le marché ».
Pour séduire les automobilistes, Citadis, qui va être expérimenté à La Rochelle dans quelques mois et mis en vente dans trois ans, sera équipé comme la dernière berline haut de gamme. Citadis est le nom générique des trams Alstom, mais celui qui est en train de naître dans l'usine d'Aytré, à quelques kilomètres de La Rochelle, est d'un autre tonneau.

A l'avant de la cabine du conducteur, un énorme airbag doit se déclencher en cas de collision. Pour protéger non pas le chauffeur, mais les piétons qui n'entendent pas la rame foncer droit sur eux ( à 70 km/h, tout de même). Le coussin gonflable niché dans le nez du tramway permet de régler le problème de l'extraordinaire silence de l'engin, dans une ville encombrée de pollution sonore.
En fait, le bruit des rames ordinaires provient surtout du patinage des roues en fer sur les rails, au démarrage comme au freinage. Pour le supprimer, Alstom a simplement pioché dans le catalogue BMW ou Mercedes, et équipé ses nouveaux trams d'un anti patinage et d'un ABS à chaque roue. L'ensemble démarre et s'arrête sans crisser.
Quant à la climatisation intérieure, elle est aussi au programme, de série. Modulable de surcroît. Plus forte dans la cabine du conducteur, elle est moins puissante pour les passagers. « Normal, expliquent les concepteurs. Les chauffeurs passent huit heures à bord, alors que les passagers - 150 maximum - y restent une demi-heure au plus.» Confort encore, avec ces sièges moulés et - c'est un minimum pour des adeptes de la voiture - individuels.

Réduire les coûts.

Sièges baquets, climatisation, ABS, airbag et autres mignardises coûtent cher, alors que le cahier des charges de Citadis était clair dès sa mise en chantier: au-delà de l'attraction sur les automobilistes, ce système doit réduire de 50 % le prix d'une installation dans une ville et permettre à des communes plus petites que celles généralement intéressées par le concept de s'y rallier. « On n'a pas encore réussi à diviser ce prix par deux, mais on s'en approche », explique Patrice Chavoleau, ingénieur marketing Alstom.
Comment réduire un coût en rajoutant des éléments de confort? « En allégeant l'ensemble, ce qui permet d'utiliser des moteurs moins puissants et moins chers sans abaisser les performances.» On oublie donc l'acier pour la structure et on ne retient que l'aluminium. « L'économie d'énergie aussi est très importante dans la réduction des coûts. » Du coup, les deux turbines qui entraînent la rame ne tournent pas toujours à plein régime, grâce à des capteurs situés dans le plancher. Lorsque de nombreux passagers les piétinent, ils l'indiquent au moteur, qui augmente sa rotation. Si la rame est vide, les turbines tournent moins vite, pour une vitesse équivalente. Autre astuce pour réduire les coûts: la possibiIité de rouler sans les caténaires, chers et encombrants, qui transmettent l'électricité aux moteurs. Citadis sera équipé d'une série de batteries qui peuvent le rendre autonome sur la moitié de son trajet.

Questionnaire.

Cette merveille de technologie fait déjà le bonheur de la communauté de ville de La Rochelle. Michel Martial Durieux en est le vice-président chargé des transports. Il a signé le projet d'expérimentation des deux mains.
« Nous représentons une ville de 140 000 habitants et nous ne pouvons pas nous payer une ligne de tram au tarif habituel. » Pour l'instant, l'expérience ne coûte pas trop cher: 4,5 millions sont à la charge des collectivités locales ( une somme équitablement partagée entre la ville, le département et la région ) qui sont en train d'aménager la voirie sur 3,5 km dans le quartier des Minimes. Le matériel roulant est entièrement financé par Alstom.
Pour la ville, l'affaire est bonne, d'autant que les usagers auront accès aux deux rames expérimentales de Citadis « et gratuitement en plus. Pour un voyage à l'oeil, les Rochellais accepteront bien de remplir un petit questionnaire », poursuit Michel Martial Durieux. L'expérience Citadis doit s'arrêter au bout de trente-six mois. Après ?
« Soit on trouve un accord avec Alstom pour conserver le tram, soit on coule du béton dans les rails, pour y faire rouler des bus. »

Michel HOLTZ Libération 26-10-99