Trafic poids lourds dans les tunnels : le Shuttle en exemple
Depuis l'accident du tunnel du Mont-Blanc, comme beaucoup d'autres,
votre revue a consacré plusieurs articles au problème
du transit routier des poids lourds dans les tunnels.
Notamment dans son numéro du 14 avril 1999, La Vie du Rail
publie, page 37, une carte des « 37 tunnels routiers à
passer au crible » sur laquelle figure, entre autres, le
tunnel « Maurice Lemaire » indiqué dans les
Vosges, pour une longueur de 6 872 m et ouvert en 1976. En réalité,
cet ouvrage, long de 6 874 m, relie Lusse, dans les Vosges, à
Sainte-Marie-aux-Mines, dans le Haut-Rhin (la limite entre les
deux départements se trouvant à peu près
au milieu du tunnel). Inauguré en grande cérémonie,
le 8 août 1937, par le président de la République
Albert Lebrun, il donnait passage à la liaison ferrée
(Nancy) Saint-Dié/Sélestat (Colmar/ Fribourg-en-Brisgau).
A l'époque il s'agissait du plus long tunnel ferroviaire
situé en totalité sur le territoire français.
Par ailleurs, la N 159 étant souvent impraticable en hiver
au passage des cols de Sainte-Marie-aux-Mines (772 m), et sous
la pression des services de l'Équipement, une Société
d'étude du tunnel de Sainte-Marie-aux-Mines est créée,
en 1966, en vue de l'exploitation routière de l'ouvrage.
Elle a été transformée en société
d'économie mixte en 1971, afin de pouvoir procéder
aux transformations nécessaires, selon une formule approuvée
en Conseil d'État le 23 avril 1973, qui prévoit
notamment :
- que la SNCF pourra, à nouveau, y installer une voie ferrée
noyée dans la chaussée (ce qui semble aujourd'hui
bien compromis) ;
- que l'exploitation routière est concédée jusqu'au 31 décembre 2022.
Arrivée en gare de Ste Marie Aux Mines du train présidentiel, le 8 août 1937, pour l'inauguration du plus long tunnel ferroviaire de France
La dernière fois où, à ma connaissance, le
problème de la réouverture ferroviaire du tunnel
de Sainte-Marie-aux-Mines été officiellement évoqué,
s'est passée lors de l'entrevue périodique entre
la SNCF et le Syndicat national des usagers des transports (Snut)
et la Fédération nationale des associations d'usagers
des transports (Fnaut) qui a eu lieu le 13 juin 1983 à
la direction Commercial voyageurs de la SNCF (service après-vente
consommateurs).
Inscrite à l'ordre du jour de la réunion, cette
question y a été traitée par monsieur Chauvineau,
chef du tout nouveau Service de l'action régionale (SAR)
de la SNCF sans qu'une suite concrète ait été
donnée.
D'une manière générale, pour ce qui concerne
l'acheminement de trafic routier dans les tunnels ferroviaires
en France, tous les sites utilisés (Mont-Cenis, Tende,
Puymorens et maintenant Eurotunnel) ou simplement étudiés
(Sainte-Marie-aux-Mines et Somport) dans une telle optique ont,
au moins de façon partielle, une vocation internationale.
En ce qui concerne le tunnel ferroviaire du Mont-Cenis, ce service
était déjà ancien (il figure au Guide Michelin
de 1928 !), avant la création, après la Libération,
de navettes spécialisées ; il était fait
usage de wagons plats aménagés, acheminés
par les trains réguliers GV ou PV entre Modane, d'une part,
et Bardonecchia (Bardonèche) ou Bussoleno, d'autre part.
Ce service de « navettes autos » a été
supprimé à l'ouverture du tunnel routier du Fréjus,
en 1980.
Le poids total des camions ou remorques y était limité
à 10 tonnes.
Les deux autres services de navettes ferroviaires pour véhicules
routiers (Puymorens et Tende) n'étaient mis en marche qu'à
la demande des services de l'Équipement lorsque les routes
étaient impraticables ; ces navettes étaient réservées
aux véhicules de tourisme.
Enfin, deux études, restées sans suite, avaient
été demandées par des associations : il s'agit
de « Ferlor » parle tunnel de Sainte-Marie-au-Mines,
et du « Crelor » pour celui du Somport.
Pour terminer, rappelons qu'à l'origine le tunnel du Mont-Blanc
a été étudié - dans le cadre d'une
ligne directe Paris Rome - pour une voie ferrée à
voie normale reliant Saint-Gervais-les-Bains Le Fayet à
Pré-Saint-Didier (origine de la ligne du val-d'Aoste vers
Turin) via Chamonix (gare nouvelle à créer à
l'ouest des glaciers des Bossons) et Courmayeur ; projet en concurrence
avec un autre itinéraire partant de Bourg-Saint-Maurice
et rejoignant Pré-Saint-Didier par un tunnel sous le col
du Petit-Saint-Bernard avec gare intermédiaire à
La Thuile.
Regrettons que, contrairement à d'autres pays comme la
Suisse, la France n'ait pas poursuivi une politique de développement
des traversées montagneuses du trafic routier par les tunnels
ferroviaires, et espérons que le succès des navettes
d'Eurotunnel (Shuttle) sera suivi d'autres relations, notamment
avec les lignes nouvelles Lyon - Turin et Perpignan - Barcelone.
Claude Sauvage
Fromenay Jura LVDR du 12/05/99