3 476 milliards de francs : le prix de la pollution !


Un rapport présenté à Bruxelles évalue les coûts des nuisances provoquées par tous les modes de transport. Il est accablant et vient renforcer les partisans d'une taxation des pollueurs.
Un nouveau pas vient d'être franchi pour tenter de chiffrer le vrai coût des transports l'Union européenne, auxquels s'ajoutent la Suisse et la Norvège.
Avec l'objectif de mesurer tous les dégâts causés par chaque mode sur l'environnement, la santé et, plus globalement, sur la société. C'est ce que les cabinets de consultants Infras à Zurich et IWW à Karlsruhe appellent les " coûts externes", en fait des évaluations quantitatives des conséquences nuisibles des transports : le temps perdu dans les embouteillages, les accidents, la pollution, les changements climatiques, la souffrance, le bruit ou la valeur de l'espace perdu.
L'étude, présentée le 17 avril à Bruxelles, s'appuie sur des bases de données et des valeurs mises au point par les différents pays. La vie humaine est ainsi évaluée à 1,5 million d'euros (plus de 9,8 millions de francs). Le coût des changements climatiques atteint 135 millions d'euros (885,5 millions de francs) par tonne de gaz carbonique, d'après les principes posés par le groupement international d'experts du changement climatique.
Résultat des calculs, les coûts externes générés par les transports, hors congestion, ont pesé 530 milliards d'euros (plus de 3476 milliards de francs) en 1995, année de référence. Soit 7,8 % du PIB des pays concernés. Les accidents représentent à eux seuls 29 % du total.
Si l'on ajoute la congestion, qui ne doit être incluse que " pour les modes où l'utilisateur décide individuellement de l'usage de l'infrastructure sans prendre en compte les conséquences sur les autres utilisateurs", on obtient 658 milliards d'euros.
Cette année, le total devrait approcher les 700 milliards d'euros. Loin devant les autres modes, le secteur routier est responsable de 92 % des coûts externes (dont 57 % pour la voiture particulière et 29,4 % pour le transport routier de marchandises). Viennent ensuite le transport aérien avec 6% du total, le chemin de fer (2 %), enfin la voie d'eau avec 0,5 %. Autre enseignement intéressant, les deux tiers des coûts externes environnementaux sont causés par les transports des personnes. Et non par le transport des marchandises. Enfin, si l'on prend en compte le coût externe moyen, qui permet d'affiner l'analyse d'après la distance parcourue, le coût de la voiture devient 4,4 fois plus élevé que le rail par exemple.
D'après une précédente étude publiée en 1991, les coûts dus à la pollution atmosphérique ont ainsi explosé : + 215 %. A l'horizon 2010, si rien n'est fait, les coûts devraient bondir de 42 %. En particulier à cause du transport routier et aérien. Ce rapport apporte de l'eau au moulin de la Commission, qui cherche à harmoniser les principes de tarification des transports.
Il donne aussi de sérieux arguments aux compagnies de chemin de fer, qui se trouvent pénalisées face aux transporteurs routiers, accusés de ne pas payer les dommages qu'ils causent aux infrastructures.
Le secteur ferroviaire ne cesse de réclamer une politique des transports plus juste, faisant payer à chaque mode son véritable coût. Une telle démarche, fondée sur le principe pollueur-payeur, aurait l'avantage d'aller dans le sens préconisé par la conférence internationale de Kyoto sur la lutte contre l'effet de serre. Poussant plus loin, le transport ferroviaire réclame des politiques d'investissements qu'elles prennent en compte les coûts externes dans les études de projets d'infrastructure. Reste à convaincre les politiques, même si l'opinion publique se montre très sensible à la sauvegarde de l'environnement. " il est difficile de fixer des dates pour lancer l'externalisation des coûts. Il faut y arriver progressivement. Il y a des lobbies très puissants qui pourraient nous faire aboutir à une reddition en rase campagne pour de longues années », rappelle un membre du Parlement européen.
Les compagnies ferroviaires proposent de commencer par " les zones les plus sensibles ", agglomérations et montagnes.
Et, en attendant la généralisation du principe pollueur-payeur, elles souhaitent une période transitoire, durant laquelle " les modes les moins nuisant doivent être soutenus pour éviter toute distorsion de concurrence ".

Marie-Hélène POINGT LVDR du 26-05-00