par Alain Wils
Plus de 50% de la flotte mondiale est enregistrée aujourd'hui
sous pavillon de complaisance. Dans un contexte hyperconcurrentiel
où l'offre et la demande se rejoignent sur un prix de marché
international, la tentation de la délocalisation est forte
pour les entreprises opérant sur ces marchés ; elle
pourrait le devenir pour les pouvoirs publics, soucieux du coût
budgétaire d'une relance du pavillon français.
Pourtant, sans une flotte de commerce française, comment
disposer demain des compétences maritimes nécessaires?
Sans compétences et sans armateurs, comment assurer les
missions de contrôle et de sécurité le long
de nos côtes ? Comment éviter que de grands groupes
de transport maritime d'envergure mondiale, de plus en plus puissants,
n'abusent de leur position dominante ? Comment peser dans les
décisions des instances internationales ou européennes
qui traitent de ces questions, si lourdes de conséquences
?
Les échanges commerciaux par voie de mer progressent en
moyenne de 4 % par an. Parallèlement, le coût du
transport maritime est en constante diminution grâce à
l'augmentation de la taille et de la vitesse des navires. Prenons
l'exemple d'un conteneur chargé d'équipement électronique
: le trajet Hong-Kong-Le Havre est désormais effectué
en vingt jours pour un coût inférieur à 1
franc par kilo. La mondialisation des sources d'approvisionnement
s'accélère et nos côtes voient défiler
chaque jour l'impressionnant chassé-croisé des navires
(pétroliers, porte-conteneurs, car-ferries...) qui desservent
les ports français, belges, hollandais, allemands, scandinaves
- une zone économique qui concentre environ 30 % du trafic
international.
Et la flotte de commerce française ? Au fil des années,
de savants docteurs se sont penchés sur son chevet avec
le succès que l'on sait : du quatrième rang mondial
après guerre, elle est aujourd'hui ravalée au vingt-huitième
rang avec 209 navires recensés.
La place du pavillon français dans le monde de demain ne
peut laisser indifférents ceux qui s'inquiètent
du risque de marginalisation de notre pays dans les débats
sur la sécurité des navires ou le contrôle
des marchés - et pas seulement les populations côtières
ou les salariés des entreprises maritimes.
Pour dynamiser le pavillon français, que faut-il faire
? L'investissement en nouveaux navires battant pavillon français
fait déjà l'objet d'incitations fiscales. De facto,
ces mesures compensent pendant plusieurs années d'exploitation
- le nombre d'années est fonction du montant de l'investissement
- le surcoût du pavillon national. Cette politique d'encouragement
au renouvellement de la flotte doit impérativement être
pérennisée, sans qu'il soit introduit de nouvelles
contraintes qui la videraient de toute substance. Avec certains
aménagements, elle pourrait bénéficier, mieux
qu'aujourd'hui, aux petits navires créateurs d'emplois.
La compétitivité de la flotte existante reste la
question cruciale qui doit être traitée à
titre principal.
Cette flotte a quatorze ans et demi d'âge moyen et concourt
significativement au maintien des emplois les moins qualifiés.
Elle grève lourdement le compte d'exploitation des armateurs
qui réclament d'urgence un alignement sur les législations
européennes. Le dispositif qui fonctionne est connu et
déjà en application chez la plupart de nos voisins
européens : exonération totale et automatique de
toutes les charges sociales pesant sur l'emploi des marins nationaux,
instauration d'une taxation au tonnage ou, à défaut,
exonération des plus-values fiscales en cas de cession,
souplesse d'armement des navires.
Alain Wils est président du Comité central des armateurs de France.