Il y a de quoi être révulsé par ces politiques de pacotille après ce que vous allez lire....
Ce n'est pas un poisson d'Avril.
Multiplier les autoroutes tout en s'engageant à réduire
le trafic routier et les émissions de gaz à effet
de serre! Cette contradiction sera au coeur de la prochaine réunion
interministérielle, le 11 octobre, sur les «schémas
de services» prévus dans la loi Voynet d'aménagement
du territoire.L'enjeu est de taille: il s'agit de choisir les
grands projets d'infrastructures à réaliser d'ici
à vingt ans dans plusieurs secteurs décisifs (transports,
éducation, santé, communication...). Or, le volet
concernant les projets d'infrastructures de transports - dont
Libération a eu connaissance - ne renonce pas au vertige
du «tout-autoroute».L'ensemble est loin de mettre
en musique la démarche innovante des schémas de
services: penser chaque mode de déplacement (ferroviaire,
routier, fluvial) de façon complémentaire et en
fonction des besoins réels.
Gâchis financier. Ainsi, le sort du très controversé projet
d'A51, Grenoble- Sisteron, est désormais entre les mains
de Lionel Jospin. Ce dossier très symbolique fait l'objet
d'un bras de fer entre les ministères de l'Équipement
et de l'Environnement. Selon la Direction des routes, qui s'appuie
sur des prévisions de trafic en forte hausse, l'A51 est
nécessaire pour désengorger la vallée du
Rhône. Au cabinet de Dominique Voynet, on estime que le
réaménagement de deux nationales suffirait à
absorber ce trafic. Et permettrait d'économiser une facture
estimée à 8 milliards de francs pour l'État,
alourdie des 3 à 6 milliards de francs d'ouvrages d'art
nécessaires pour faire passer l'autoroute le long des rives
du Drac et sous le massif du Vercors. «.L'A51, c'est un
gâchis financier et écologique annonce: la cuvette
de Grenoble sera asphyxiée», explique un conseiller
de la ministre.(Grenoble située dans une cuvette, fortement
industrialisée, centrales de chauffage, chimie, métallurgie,
circulation auto-camion à la limite de l'asphyxie, une
des villes les plus polluée de france... Combien de morts
en plus grace à l'A51?-NDLR)
Deux projets de liaison autoroutière attendent l'arbitrage
de Matignon: l'A10 bis entre Paris, Chartres et Châteaudun
(région pressentie pour implanter le troisième aéroport),
et l'A13 bis entre Paris et Rouen. «Inscrire l'A13 bis dans
les schémas de services n'encouragera pas les pouvoirs
publics à développer le transport fluvial le long
de la Seine: autant pour la volonté de complémentarité
entre les modes de transports affichée par le gouvernement!»
note un expert.
Plusieurs projets seraient déjà arbitrés.
Par exemple, l'A 831, Fontenay-le-Comte-Rochefort, qui traverse
des zones innondables et sillonne le marais poitevin: «Jospin
l'avait promis à Michel Crépeau [ancien maire de
La Rochelle] et il a écrit à Bonnaud [son successeur]
pour réitérer son accord avant même que l'instruction
ministérielle ne soit engagée»,
révèle-t-on au gouvernement.
La liaison Langon-Pau, qui risque, à terme, de transformer
la vallée d'Aspe en tunnel à camions, se fera aussi.
Idem pour la deux fois deux voies entre Toulouse et Castres. Et
de même pour l'A89, surnommée l'«autoroute
des Présidents», qui contourne l'ouest de Lyon, traverse
des ,vignes AOC et dessert Vulcania, le parc à thèmes
promu par Valéry Giscard d'Estaing.
Maigre victoire.
En revanche, l'A 32, qui doublait une autoroute déjà,
existante entre Metz et Nancy n'est plus mentionnée dans
la liste des schémas de services.
Une maigre victoire pour les verts,bien décidés
à faire monter la pression sur les «autoroutes»
comme sur le troisième aéroport du Bassin parisien
(Libération du 29/9) au sein du gouvernement.
«Beaucoup d'élus ont un discours sur la priorité
au rail à Paris et, une fois dans leur circonscription,
ils veulent bien du ferroviaire, mais en plus des autoroutes,
explique un conseiller de Dominique Voynet. Si Matignon décidait
de faire tout ou partie de ces infrastructures, il y aurait une
très grande incohérence avec le discours affiché
sur le transfert modal, notamment en faveur du rail. On ne va
pas, pour faire plaisir aux grands élus à l'approche
des élections municipales et législatives, détricoter
ce qu'on a accompli depuis trois ans. » Chez les Verts,
on redoute un traitement politicien des schémas de services
qui aboutirait à un saupoudrage pour satisfaire toutes
les composantes de la majorité plurielle. Et on fait valoir
que ces orientations ( développement du rail, rejet du
tout-camion ) sont largement partagées par l'opinion. «Nous
avons l'occasion de prendre un véritable tournant en laissant
tomber ces projets d'autoroutes inutiles, coûteux et polluants.
Lionel Jospin ne peut annoncer en septembre un grand plan d'économies
d'énergie et adopter en octobre un nouveau programme autoroutier»,
plaide Denis Baupin, porte-parole des Verts.
Face à la base. Il est vrai que les écologistes risquent gros sur ce dossier, face à leur base déjà échaudée par les mesures d'aides aux routiers et la baisse des taxes sur les carburants. Dominique Voynet doit, quelques jours avant la réunion du 11 octobre, rencontrer le Premier ministre pour obtenir quelques gages de Matignon. Reste la question des moyens. Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), le développement des plates-formes de fret ferroviaire nécessite à lui seul 20 milliards de francs d'investissement. C'est dix fois plus que le budget prévu dans la prochaine loi de finances .
MATTHIEU ECOIFFIER libération du 2-10-00