Le tramway de Marseille se branche sur le sol Marseille, le soir du 20 avril, ils étaient deux à parvenir en phase finale : l'équipe de l'Olympic de Marseille et la poignée de techniciens d'essai du groupe Spie qui installe la première voie de tramway, en France, alimentée électroniquement par le sol. Une mise au point discrète qui contrastait, ce soir-là, avec les clameurs exubérantes des supporters. Mais un essai dure plus longtemps qu'un match et la construction du site expérimental a débuté en février dernier.

" La Régie des transports de Marseille (RTM) prête, dans le cadre d'une convention, une portion de la ligne 68 pour y tester, de nuit et sans perturber l'exploitation, un nouveau système d'alimentation par le sol ", expliquait la RTM, fière d'être un précurseur. Dans la tranchée du tramway nichée entre Blancarde et Saint-Pierre, le raccordement des premiers 350 mètres de rail d'alimentation et d'une quinzaine de modules de commande viennent juste de se terminer, dans une zone semée de courbes et d'aiguilles. Cette nuit-là, les premiers passages de la rame d'essai -un vaillant tramway marseillais équipé de frotteurs spéciaux- testaient l'alimentation du rail en basse tension (48 V).

Bientôt, la rame circulera panto baissé, en captant ses 600 V uniquement par le rail central. " Ce site d'essai a un triple but ", explique Olivier Perraud, directeur général d'Innorail, filiale de SGTE et Spie Enertrans, " valider techniquement la faisabilité du système, chiffrer précisément le coût au kilomètre de cette solution et servir de démonstration aux autorités politiques ". Spie n'exclut pas - ultérieurement et si la RTM est d'accord - d'équiper complètement les 3,6 km de la ligne 68 d'une alimentation au sol, mais la vocation de cette innovation reste les projets de tramway traversant des villes ou des sites sensibles. Sans poteaux caténaires, ni fil aérien, le tracé s'insère sans défigurer le paysage mais le système offre d'autres avantages. " Il est indépendant d'un matériel, limite les perturbations électromagnétiques en réduisant l'écart source-retour de courant, supprime les profonds trous de poteaux qui interfèrent avec les réseaux en sous-sol... ", énumère Olivier Perraud. Reste que si Bordeaux et même Nancy s'intéressent à un tel système, le groupe Spie défriche un terrain redevenu vierge. " Choisir d'installer une alimentation de véhicule par le sol est avant tout un choix politique et d'urbanisme qu'il faudra accompagner sur le plan administratif ", explique Olivier Perraud. D'où le souci d'afficher sur ce système un niveau de sécurité équivalent - voire supérieur - à celui donné par un fil nu électrifié à quelques mètres des camions, bus et piétons. En tant que constructeur d'infrastructure, Spie cherche aussi une solution dont le coût linéaire soit attractif. " La part de l'électrification dans un projet est faible : même un peu plus chère, une alimentation au sol ne change pas beaucoup
le coût du projet ", prévoit Olivier Perraud.

A Marseille, le rail Spie aboute des poutres pultrudées en matériau isolant longues de 11 mètres - ayant au-dessus 8 m de rail conducteur en acier et deux bouts isolés - qui protègent à l'intérieur câbles de commande et feeder d'alimentation en aluminium. Noyé dans la chaussée ou posé sur les traverses, il s'avère déjà facile à mettre en oeuvre même en courbe, " une bonne surprise du site d'essai ", confie Olivier Perraud. Il reste à mieux industrialiser les raccordements mais Spie finit d'abord de valider le coeur de ce système inédit presque dépourvu de mécanismes mobiles : l'électronique de pilotage, un module commande les deux segments contigus à l'approche d'une rame et se loge dans un boîtier cylindrique étanche enfoui simplement entre deux traverses. " Ce système peut même aider à suivre précisément la position des véhicules " imagine Olivier Perraud. Sur le tramway, l'écart des frotteurs qui détermine la longueur des segments permet d'alimenter sans à-coups et en toute sécurité les moteurs avec une source électrique " courant " en, permanence sous là rame jusqu'à 90 km/h. La voie prototype de Marseille - qui ira jusqu'à 60 km/h - est financée par Spie avec une aide européenne. Et l'intérêt soutenu d'EDF qui pourrait devenir un partenaire de la nouvelle filiale Innorail créée par Spie pour commercialiser ce système.

La sécurité avant tout

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Essais de nuit

Travaux dans un tunnel

Alain WIART LVDR du 05-05-99