La catastrophe du tunnel du Mont-Blanc (39 morts) a complètement
changé la donne. Mais les communes qui ont hérité
du trafic se rebiffent.
Par E. Saint-Martin
Les Alpes sont au bord de l'asphyxie. De Suisse, de France,
d'Autriche ou d'Italie, elles sont prises d'assaut par les camions.
Les habitants ont longtemps protesté, en vain. Mais la
catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, qui a coûté
la vie à 39 personnes le 24 mars dernier, a changé
la donne.
C'est au sud du massif que la grogne s'est le plus récemment
fait entendre. La fermeture du tunnel du Mont-Blanc puis l'encombrement
de celui du Fréjus ont en effet envoyé vers les
Hautes-Alpes bon nombre de transporteurs, qui montent en masse
à l'assaut des cols de Montgenèvre ou du Lautaret.
Sur les nationales qui y mènent, les comptages ont dénombré
jusqu'à 120 % d'augmentation du trafic de poids lourds.
Pour protester contre cette saturation subite, une quarantaine
de maires du département ont pris des arrêtés
d'interdiction de la circulation à certaines heures sur
le territoire de leurs communes. Arrêtés immédiatement
considérés comme illégaux par la préfecture
des Hautes-Alpes, qui les a déférés au tribunal
administratif de Marseille. Ce qui n'a pas empêché
ces mêmes maires, et certains de leurs concitoyens, de dresser
à la fin du mois de juin plusieurs barrages routiers afin
de mettre symboliquement en application leurs arrêtés.
C'est en fait tout le massif qui se révolte contre les
camions. Et qui s'inquiète. Car, après les accidents
du Mont-Blanc, puis du tunnel des Tauern, en Autriche, le 30 mai
(9 morts), tous les pays alpins ont entrepris un audit de leurs
nombreux tunnels. Rassurant pour personne : en France, plusieurs
« dysfonctionnements graves » ont été
mis en évidence et certains travaux entamés ou programmés.
A commencer par le désormais très fréquenté
tunnel du Fréjus, où quatre refuges supplémentaires,
reliés à une galerie d'évacuation, doivent
être construits au cours de l'été. En Suisse,
deux tunnels du Jura, pourtant vieux de seulement cinq ans, ont
été fermés pour ventilation défectueuse
et évacuation des passagers mal conçue.
Mais, au-delà .des seuls tunnels, c'est la présence
même des camions qui exaspère dans les vallées
alpines.
A Chamonix, au pied du mont Blanc, quelques commerçants
et le casino ont beau se désoler de la disparition de la
clientèle italienne privée du tunnel, la vallée
dans son ensemble n'en finit plus de manifester son soulagement
d'être enfin débarrassée des camions. Sévère
au moment du drame contre la société du tunnel ATMB
(Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc), le maire de Chamonix, Michel
Charlet, continue de demander la suppression du trafic poids lourds
dans sa vallée.
LE MONT.BLANC DEVRAIT ROUVRIR
ATMB prépare pourtant de son côté la réouverture
du tunnel aux 800 000 camions qui l'empruntaient annuellement
avant l'incendie. Les deux rapports d'enquête français
et italien préconisent, entre autres mesures, la constitution
d'une société de gestion unique disposant d'une
seule salle de commande au lieu de deux. Il faudra également
doubler le nombre des refuges et les relier entre eux pour assurer
l'évacuation des usagers en cas de nouvel incendie.
Il ne sera pas facile de rouvrir le tunnel dans un délai
d'un an, comme on le pensait. L'enquête du juge Guesdon,
de Bonneville a prévu une reconstitution sur les lieux
mêmes de l'accident en septembre prochain.
Nuls travaux ne pourront donc être entrepris avant cette
date.