Adolf Off, ancien ministre suisse des Transports, avait une manière toute personnelle d'expliquer les avantages du ferroutage à ses homologues Européens. Il les emmenait systématiquement dans l'une des vallées les plus encaissées du canton d'Uri ou du Tessin à bord d'un hélicoptère piloté par un aviateur casse-cou. Apres plusieurs virages en épingle à cheveux, il mettait les autres ministres des transports au défi: "Où voulez vous, entre la petite ferme, le bout de champ, la ligne de chemin de fer et la route cantonale, faire passer chaque jour une noria de camions forcément bruyants, lâchant de gros jets de gaz? Il n'existe qu'une solution: les navettes ferroviaires."
La Suisse n'a jamais accepté sur son territoire des
camions de plus de 28 tonnes. En 1991, elle signait même
avec l'Union Européenne un accord qui reconduisait pour
12 ans cet état de fait. En contrepartie, les helvetes
promettent d'encourager le ferroutage, consistant à mettre
les camions sur
des trains, et la création de nouvelles lignes ferroviaires
alpines.
En 1997, le ferroutage a permis de transporter en Suisse 8
millions de tonnes de marchandises, soit l'équivalent de
400 000 camions de 28 tonnes.
Pendant que 1,2 million de camions n'ont fait transiter que 9
millions de tonnes.
Dans un nouvel accord signé le 21 juin, la Suisse accepte
qu'à partir de 2008 un camion de 40 tonnes en transit roule
de Bâle à Chiasso,
mais en payant une taxe de 325 francs suisses (1 330 francs français).
Une manière d'inciter les routiers à franchir la
barrière alpine par le train plutôt que par le bitume.
D'ici à 2007, la Suisse aura ouvert au trafic par voies
ferrées le tunnel du Lôtschberg (42 kilomètres).
Celui du Saint-Gothard (57 kilomètres) entrera en activité
vers 2012. Un travail de titan, comparable à la construction
du tunnel sous la Manche, dont le coût est estimé
à 55,8 milliards de francs français. C'est le prix
que les Suisses sont prêts à payer pour éviter
que leurs vallées alpines ne deviennent invivables, comme
en France.
IAN HAMEL (A GENEVE)